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dimanche 27 octobre 2013

Dans les entrailles du Fort de Chelles

Construit entre 1876 et 1878 à une altitude de 104 mètres, le Fort de Chelles, conçu pour héberger 363 hommes et 29 pièces d'artillerie, fait partie du patrimoine historique de l'Est Parisien.

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Chelles - 11/03/2012 : Casernement du Fort de Chelles

Le Fort aussi appelé la « montagne » est un des éléments du système mis au point par le général Raymond Adolphe Séré de Rivières pour la défense de Paris après la défaite devant les Prussiens de 1870.

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Photo aérienne du Fort de Chelles en 1933

Un patrimoine historique en péril

Acquis dans les années 70 par la commune, ce Fort de Chelles ne cesse de dépérir. Le Fronton portant le nom du fort a été démonté dans les années 60 afin de laisser passer des camions. Le fort a été utilisé par le passé par un club de Tir, par les pompiers de la ville pour des entrainements grandeur "nature" et par Kodak pour y entreposer des films et des produits polluants.

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Photo aérienne du Fort de Chelles en 1962

En 2007, le Fort de Chelles a également subit des aménagements par la commune peu respectueux de son histoire :

  • une partie des fossés secs a été immergée engendrant des inondations dans une des caponnières du fort,
  • l'entrée du fort a été entièrement démantelée,
  • les bureaux de police et l'ancienne cuisine ont été détruits car jugés comme "ne présentant aucun charme",
  • le mur de fond de courtine a été raboté
  • et enfin la topographie du terrain qui servait à la défense d'autrefois du fort a été très fortement remaniée.

Les spécialistes des fortifications françaises sont unanimes. Ils considèrent ces aménagements comme une atteinte forte au patrimoine historique du Fort de Chelles et s'en désolent et assimilent cela à de la destruction pure et simple.

La problématique des anciennes carrières de gypse :

De plus, la montagne de Chelles est une butte gypseuse exploitée autrefois en carrière à ciel ouvert et en cavages souterrains de seconde masse. La carrière à ciel ouvert a été depuis remblayée mais les galeries profondes de seconde masse ne semblent pas avoir été sécurisées.

Une partie du fort est donc sous minée. Nous nous sommes procurés des plans des galeries issus des archives de l'Armée de terre Française et il y apparait clairement que toutes les zones aménagées pour le public devant et à l'ouest du fort seraient elles aussi concernées et pourraient poser des problèmes importants de sécurisation. Nous avons utilisé ce plan pour nous déplacer dans les galeries et tout porte à croire qu'il est exact.

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Le réseau de galeries de seconde masse que nous avons découvert.

Sur les plans apparaissent également la présence de galeries de troisième masse encore plus profondes. Nous n'avons pu les vérifier. Il existe donc la probabilité d'une superposition entre les galeries de seconde et de troisième masse. Sur les plans datés de 1902 réalisés par le génie militaire, il est aussi question de vastes réseaux de "cavages éboulés inabordables".

L'armée française a renforcé les galeries situées directement sous l'emprise des bâtiments du Fort de peur que celui-ci ne s'effondre sur lui même. Ce n'est pas le cas de la majorité de l'important réseau de galeries existantes qui inexorablement se dégradent.

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Photo aérienne du Fort de Chelles en 2012, les destructions de 2007 sont clairement visibles.

Lors des travaux d'aménagements de 2007 par la commune, il y aurait eu des sondages et des traitements des zones à risque sur les endroits aujourd'hui ouverts au public. Ces galeries profondes de seconde masse ont elles été repérées à cette époque ? Elles ne semblent pas pourtant avoir été injectées. Présentent elles des dangers en surface ?

Ces galeries et ses dangers semblaient pourtant être connus, comme l'atteste cet extrait d'un article du Parisien en date du 21/10/2002 intitulé "Un millier de carrières mine le sous-sol" :

Ainsi, fin septembre, les pompiers de Chelles ont découvert qu'un effondrement s'était produit dans une galerie de la Montagne de Chelles, au pied du fort, leur interdisant désormais les visites qu'ils effectuaient régulièrement... Un fontis à Chelles. La récente découverte d'un fontis à hauteur de la montagne de Chelles est inquiétante. Les anciens carriers n'ont laissé aucun plan des exploitations de gypse : personne ne peut donc déterminer avec exactitude le nombre de ramifications des galeries.Celles-ci sont régulièrement inspectées par les pompiers du Grimp de Chelles. Mais l'éboulement, découvert fin septembre, empêche désormais de se rendre dans toutes les excavations. Certains parlent d'une galerie allant jusqu'à Montfermeil. « Rien n'est moins sûr. Il faut se méfier de l'imaginaire », souligne un spécialiste qui préfère conserver l'anonymat.

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Schéma de formation d'un Fontis causé par la présence de galeries souterraines.

Nous avons contacté le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) ainsi que la Communauté d'Agglomération de Marne et Chantereine afin que des études soient réalisées sur la dangerosité potentielle de ces galeries oubliées. Il apparaît que les plans que nous nous sommes procurés ne semblent pas avoir jamais été portés à leurs connaissances.

La Communauté d'Agglomération de Marne et Chantereine en charge de la montagne de Chelles, suite à nos courriers, serait en train de faire des investigations afin de vérifier les plans et les observations que nous leur avons fait parvenir.

Voici un reportage photo de ce fort ainsi que des galeries qui serpentent sous la montagne de Chelles :

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Chelles - 11/03/2012 : Le Fort de Chelles privé de son entrée, de son fronton, de ses murs, de son poste de police, de ses cuisines, etc.

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Chelles - 11/03/2012 : Casernement du Fort de Chelles

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Chelles - 26/10/2013 : Casernement du Fort de Chelles

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Chelles - 26/10/2013 : Tunnel d'accès à une caponnière

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Chelles - 26/10/2013 : Intérieur d'une caponnière qui porte encore les traces des incendies volontaires provoqués lors des entrainements des pompiers

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Chelles - 26/10/2013 : Un des accès aux galeries de seconde masse de la Montagne de Chelles

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Chelles - 26/10/2013 : Galerie de seconde masse sous la montagne de Chelles avec un fontis en formation

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Chelles - 26/10/2013 : Un équilibre bien précaire...

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Chelles - 26/10/2013 : Galerie de seconde masse sous la montagne de Chelles

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Chelles - 26/10/2013 : Galerie de seconde masse sous la montagne de Chelles

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Chelles - 26/10/2013 : Galerie renforcée par le génie militaire sous le Fort de Chelles

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Chelles - 26/10/2013 : Renard momifié dans les galeries de seconde masse

lundi 23 avril 2012

La carrière Saint-Pierre de Gagny ou les risques d'effondrement des cavages souterrains

Entrée des galeries de première masse

Gagny - Carrière Saint-Pierre - 20/04/2012 : Entrée des galeries de première masse.

A l'heure où commencent, les réunions de travail avec l'Agence des Espaces Verts d'Ile de France pour une étude de valorisation du Montguichet et de la carrière Saint-Pierre de Gagny, la question de l'ouverture au public de la carrière Saint-Pierre se lève.

Avant d'envisager une ouverture officielle au public, il se pose la question de la sécurisation des galeries souterraines.

En effet, les galeries commencent à se dégrader et l'apparition de nouveaux fontis est fréquente. Un fontis est un effondrement du sol en surface, causé par la déliquescence souterraine progressive des galeries souterraines.

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Galerie de première masse très dégradée.

Dans les années 70, de gros fontis sont apparus au dessus des galeries de première masse. Dont certains de plusieurs dizaines de mètres de diamètre.

Fontis de première masse

Un des gros fontis en eau apparus dans les années 70 au dessus des galeries de première masse.

Maintenant c'est au tour des galeries souterraines de seconde masse de commencer à s’effondrer, inexorablement :

Il existe 2 carrières de seconde masse. Une d'entres elles est inconnue de l'inspection générale des carrières. Recouverte par le remblaiement des années 60-70, cette exploitation oubliée, découverte par forage en 1994, s’effondre et génère de dangereux fontis.

Cette exploitation souterraine oubliée est mentionnée dans le Plan de Prévention des dangers liés aux anciennes carrières :

C'est une exploitation souterraine de 2ème masse dont les limites sont assez mal connues et qui est impossible d'accès. De nombreux fontis sont venus à jour et sont encore à craindre. Seule une partie de la carrière a été cartographiée. Le reste est inconnu mais une campagne de sondages de reconnaissance de 1994 a signalé sa présence.

Nous avons déjà trouvé 4 fontis liés à ces galeries oubliées. Voici la photo d'un d'entre eux apparu cette année, c'est un gouffre de 5 mètres de profondeur au milieu des hautes herbes d'une prairie :

Fontis - Mer de rembais / Prairie aux garennes

Un des fontis des cavages oubliées qui plongent à pic sur 5 à 6 mètres. La localisation de ces fontis des cavages oubliés indiquent une deuxième exploitation de seconde masse de grande ampleur (de 10 à 15 ha). Celle-ci recouverte de dizaines de mètres de remblais est inaccessible.

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Les années passées, ces cavages souterrains inconnus ont menacés la stabilité des pylônes des lignes à haute tension. Il a été nécessaire de consolider les cavages souterrains par injection de coulis de béton au travers de multiples forages réalisés autour des pylônes.

Les plans connus des cavages de la carrière Saint-Pierre :

Plan des galeries de la carrière Saint-Pierre de Gagny

Source : Inspection Générale des carrières.

Les coûts exorbitants de la sécurisation :

La sécurisation des anciens cavages de la carrière Saint-Pierre est particulièrement délicate. Quel en sera le coût ? Si l'on s'inspire d'autres exemples, il faut compter en moyenne 1 million d'€ par hectare. Or, la carrière Saint-Pierre possède une superficie de 47 ha...

Comment les sécuriser sans détruire les biotopes en surface ?

Dans le cas où l'Agence des Espaces Verts d'Ile de France serait en mesure de lever des fonds suffisants, comment sécuriser ces cavages sans saccager la nature en surface ? En effet, pour les cavages accessibles et en bon état de conservation , il est possible de combler les cavages de l'intérieur par bourrage de matériaux inertes et par injection horizontale des vides résiduels (voir schéma ci-dessous). Cette technique a été utilisée par l'armée française pour la sécurisation des cavages existants sous le fort de Noisy-le-sec (93).

Bourrage

Dessin des techniques de bourrage des vides résiduels des anciennes carrière de Gypse par Alain Thellier

Mais si les cavages sont trop dégradés ou inaccessibles, des injections en surface, au travers de forages espacés de 3 mètres, sont nécessaires. Mais ils risquent de saccager durablement les milieux naturels. Cela a été le cas dans la carrière du centre du Gagny où toute faune et flore originelle a disparu. On avait parlé à l'époque de "Désastre écologique".

Les risques d'effondrement par érosion :

De plus, la sécurisation des cavages ne peut prévenir des risques de déliquescence de strates gypseuses par érosion du fait de la dégradation des strates marneuses : des déliquescences qui peuvent elles aussi créer des fontis sans présence de galeries souterraines.

Ainsi, le parc Jean-Pierre Jousseaume ou parc du Sempin sur la commune de Montfermeil est fermé au public par arrêté municipal en raison d'affaissements. Des travaux de confortement et de remblaiement des cavages seraient à l’étude mais le dossier semble trainer en longueur depuis des années.